Alla Zagaykevych est une compositrice ukrainienne habituée du label Nexsound puisque c’est son troisième album sur cette structure depuis Motus publié en 2005. Après des études à la National Music Academy de Kiev elle a poursuivi son parcours à l’IRCAM, puis elle est retournée dans son pays où elle a fondé l’Electronic Music Studio. C’est en 2009 qu’elle lance l’Electroacoustic’s Ensemble qui l’accompagne sur cet album. Il s’agit d’un groupe de musiciens spécialisés dans l’interprétation de musiques électroacoustiques, mais un groupe à géométrie variable en fonction des besoins, suivant que l’accent doivent être mis sur le respect d’une partition ou sur l’improvisation.
Il s’agit donc ici du genre de musique que l’on aborde rarement en disque, mais plutôt en concert. Un album de musique électroacoustique qui ne laisse aucun doute quant à l’aspect live de son enregistrement là où l’on est habitué à ce que les éléments acoustiques aient été préalablement enregistrés puis manipulés comme n’importe quel autre source électronique.
L’album se divise en trois pistes de 15-20 minutes chacune, et très vite on se rend compte que l’on a entre les mains un disque atypique, avec une musique que l’on croirait parfois tirée d’enregistrements du GRM des années 50-60, et des improvisations un peu folles de violon que l’on pourrait avoir vu en concert la semaine dernière. L’équilibre entre électronique et acoustique est mouvant et délicat. La première piste par exemple débute par de gros glissements électroniques au second plan et improvisations de violon mises en avant. Mais petit à petit des “zigouillis” électroniques s’immiscent, un dialogue s’installe, le ton monte, et ce sont les percussions qui semblent alors mettre d’accord les deux parties.
Assez inattendue sur les deux morceaux suivants, l’apparition d’un chant, a priori un chant traditionnel ukrainien. Très dominant sur l’ouverture de II, il sert ici de fil rouge avec une connotation pop, cessant parfois pour laisser siffler flûtes et machines pour se confronter plus tard à une électronique dense, puissante, ou encore former un duo avec un violon grinçant.
Sur la dernière pièce acoustique et électroniques sont plus intimement liés, à commencer par ce même chant qui est manipulé par les machines. Textures, frétillements, ces vocalises deviennent fantomatiques et ce sentiment est renforcé par le jeu de l’électronique, entre souffles et drones. On pense ici au folklore scandinave avec une ambiance qui nous fait penser à une forêt en pleine vie, habitée, parsemée de hululement de flûtes et percussions improvisées.
Un très bel album d’une musique électroacoustique pleine de vie, une impression certainement en grande partie liée à la qualité de l’enregistrement qui sonne très “live”.
Fabrice Allard
le 31/08/2013